Tata Bojs : « la musique déplace les montagnes »…et les foules!

Depuis 26 ans qu’ils occupent la scène, les Tatabojs n’ont pas perdu leur énergie, et sont toujours – même mariés (sauf un !) - les rock stars de la République Tchèque, avec plusieurs récompenses dont celle de « meilleur groupe » au prix des Anges 2004 (Ceny Anděl) et une quinzaine d’albums à leur actif. Retour sur leur concert dans la capitale Moravo-silésienne.

Longue queue devant les vestiaires du Garaž à Martinov (Ostrava), ça promet d’être chaud dans la salle…12 février 2015, 20h, l’espace se remplit doucement (les verres aussi) d’un public ni jeune ni vieux pour un groupe dont l’existence s’étale maintenant sur un quart de siècle fédérant plusieurs générations. Tandis que le groupe obéit bien sagement à la règle du retard- stratégie du désir, managers aux balcons sirotent leur verre de vin. Concert réglé sur du papier à musique et mené à la baguette? Peut-être, mais cela ne les empêche d’être fidèles à leur style - un savant mélange de bonne basse qui retourne les oreilles comme il faut, paroles peuplées de métaphores et douce ironie dans la langue...  

Car plus efficaces que du Redbull ou que l’intégralité d’une boîte de comprimés vitaminés, les Tata Bojs dégagent plus d’énergie que n’en font toutes les cheminées d’Ostrava réunies. A la lisière parfois du punk, du hard-(rock) ou même de rythmes techno, on ne s’attendait certes pas à une séance de méditation, mais il faut dire qu’entre la version plutôt « paisible » de leurs titres enregistrés et le live, l’énergie communiquée par leur interprétation est toute autre ! Ce n’est pas pour rien qu’on lit tleskání  (« coups » en français) dans la description de leurs instruments, et pourtant rien à voir avec du bruit : les quatre musiciens savent battre la mesure et alterner leurs déchaînements de ballades. Rien qu’à voir Jiří user de son clavier comme instrument à percussions (ce qu’il est par ailleurs) ou Dušan - un des bassistes - jouer plus survolté qu’un sapin de Noël branché sur du 220 Volts, ça vous donne en effet la pêche  pour « danser, toute la journée et toute la nuit », comme ils chantent eux-mêmes dans « Attention aux hommes », un de leurs fameux titres en français.

Eh oui, Tata Bojs possèdent quelques chansons en français, dons les textes signés par Milan (à la fois chanteur et batteur du groupe) n'ont rien de l'exotisme langagier (par exemples "Parlez-vous français") et sont mêmes surprenantes de réalisme et d'ironie, comme dans "Ztraceni v překladu".

Joignant l’atmosphère avant même les paroles, le Garaž se colore d’un rouge chaleureux et de la voix tamisée de Milan invitant le public à épier cette conversation entre deux amoureux à travers les vitres d’un café des Champs-Élysées ; une mise en scène vocale qui enveloppe soudainement la salle: « après tout, les albums sont des films pour les oreilles » (« zfilmují můj život prý mě čeká sláva ») chante-t-il dans la même chanson. Côtoyant les royaumes de la fiction dans nombre de leurs chansons (voir leur Nano-album, un récit en lui-même par la musique), sûrement est-ce des films également que lui vient l’amour de la langue française : « il est fou de films du monde entier, les films français avec Belmondo, de Funès mais aussi toutes sortes de films », confie Jiří Hradil, son claviériste venu discuter avec ses fans à l’issue d’environ deux heures de spectacle.

Ainsi, sans faire dans la surprise, Tata Bojs frappe fort encore une fois ! Un bon concert d’après Jiří Hradil qui trouve Ostrava « très intensive » [en français dans le texte] : « c’est une atmosphère où les fans donnent beaucoup pour nous, Brno et Prague aussi. Mais Ostrava est très très sympathique, très intensive dans la musique et la culture.  Quand je pense à Prague, l’idée que j’ai est plutôt l’humour et quelque chose de pas sérieux, alors qu’Ostrava est sérieuse avec la musique. J’aime Ostrava !" conclue-t-il.

Agnès André

Photo : Tchéquie Matin