Zrní : la musique dans les mots

Non, il ne s’agit pas du nom d’un robot dans la dernière œuvre de science-fiction de Karel Čapek, ni d’un vire-langue tchèque inventé pour tordre les langues francophones ! Zrní, ce sont des « graines » en français, et surtout de la bonne graine de musique  - plus exactement cinq musiciens à l’univers singulier, chose rare à l’heure de la vulgarisation radiophonique du rythme.

Sacré découverte de l’année lors du prix des Anges 2012 (Ceny Anděl) – les « Victoires de la musique » tchèques – grâce à leur album Soundtrack ke konci světa (« Bande-son pour la fin du monde »), le groupe originaire de Kladno dans la région de Prague n’en finit plus de semer des graines d’une musique aux accents folk-rock-électro. Leur quatrième album tout juste sorti - Následuj kojota (« Suis le coyote »), les voilà en effet conquérant les scènes de République Tchèque et de Slovaquie pour ces prochains mois de février et mars.

Mais je vous vois venir, quelque peu réticent(e) à l’idée d’aller voir un groupe inconnu dans une langue dont les syllabes et l’intonation se perdent sans écho dans un néant significatif…Généralement, quand on va à un concert, on a les paroles gravées dans le corps et c’est par cœur qu’on les brame – en fan fidèle avant même que la voix du chanteur ne s’élève. Généralement.

Car si la poésie des paroles de Zrní n’est pas à négliger, il y a un plaisir simple à trouver dans leurs mélodies, dans une musique qui ne s’arrête pas aux mots mais qui en exhale toute la saveur. D’un premier album (Voni, ou « sentir bon ») en 2009 qui explorait des intervalles disharmoniques, Zrní a su en effet consolider un paysage enveloppant côtoyant davantage les royaumes d’une poésie organique ; ils font partie de ces groupes qui savent métamorphoser l’espace et le temps par le simple fruit d’une musique, un peu comme Jinja Safari à leurs débuts s’il fallait les comparer.

Et ainsi quand on les voit sur scène, on est emporté, tel dans Následuj kojota, par un souffle de vent en beat-box ou un sifflement désinvolte : soudain, c’est la forêt sur scène, le rythme du vent dans les branches à la bouche, le bourdonnement des abeilles au triangle, le cours d’eau le long de l’archet lancinant. Batterie, basse, violon électrique, voix, accordéon, flûtes, guitare, ukulélé, triangle ou encore harmonica, valise, cymbale et marteau, Zrní joue pieds nus dans un dialogue avec instruments, mimant parfois des êtres sortis de textes qu’on se laisse à imaginer, les sens perdus dans la pulsation de ce nouveau paysage.

Et si vous comprenez les paroles (qui sont finalement presque aussi sibyllines pour un tchèque que pour un francophone), vous verrez que tout cela n’est pas que ménagerie qui aime sur scène faire son zoo : les chansons de Zrní ont la texture riche de la métaphore, de l’abstrait – amour, liberté,… , au « terrestre » – leur région, comme dans « Moře », (« mer » en français).

Alors entrez-donc dans leur jeu le temps d’un concert ou d’une chanson : «  “Zrní” are a game », comme se décrivent eux-mêmes les membres du groupe sur leur site officiel. Après une série de date en Bohême, Zrní sera en tournée en Slovaquie avant de revenir le 24 mars à la Meetfactory de Prague. Toutes leurs dates sur leur site.

Agnès André

Photo : Tchéquie Matin